Auteur Maurice Nicollet

 

EXTRAIT DU LIVRE


Ce jour là on avait prévu de ramasser les lentilles. De bon matin on se trouvait à pied d' œuvre il faisait beau et la journée s'annonçait pour être magnifique, une de ces journées d'été, chaude sans une brise, et avec un ciel d'un bleu azur, mais l'azur de nos Alpes. Ce bleu profond, qui laisse le touriste pantois, lorsqu'il vient chez nous pour la première fois .

 

A défaut de cigales on entendait les grillons, qui profitant encore de la fraîcheur relative du matin, terminaient leur concert matinal. Au loin des clochettes de troupeaux en alpages ajoutaient une note bucolique au tableau. J'étais plongé dans la plus profonde des rêveries lorsque le grand père me rappela sur terre :

 

-" Tu es venu ici pour rêver ou pour ramasser les lentilles ? "Regarde tes cousins sont déjà à "l'oubrage ". De temps en temps il plaçait quelques mots en patois au milieu de ses phrases , ce qui nous amusait beaucoup nous les enfants.

 

L' "oubrage " allait démarrer, il fallait ramasser les lentilles en arrachant pied à pied toutes les plantes. Ce travail long et pénible se faisait à la main, et la main d'œuvre juvénile était très appréciée .On devait pour cela rester courbé une grande partie de la journée, les enfants étaient tout spécialement requis pour cette besogne, puisque leur petite taille leur facilitait la tache, étant plus près du sol.

 

On commençait l'arrachage par le bas du champ, car les lentilles étaient semées dans les terrains en général en pente, et quelque fois très pentus . Les plans arrachés étaient placés dans des "bourra", (carres de toile, qu'on ficelait par les bouts lorsqu''ils étaient remplis) et qui seraient transportés facilement à dos d'hommes jusqu'au traîneau . Là, le cheval ou le mulet prendrait le relais de l'homme, et amènerait tout le chargement jusqu'à l'aire située prés de la ferme.

 

Plusieurs opérations succédaient à la mise en place et au foulage des lentilles,  les bourras étaient déposés à même le sol, on les vidait de leur contenu pour étaler les plans, ensuite on effectuait un tas le plus arrondi possible, afin de faciliter le foulage ; cette opération était réalisée par des hommes . C'était en général les hommes les plus jeunes qui faisaient cela, car il fallait de la force et de la résistance pour manier le fléau avec dextérité.

 

Le foulage avait pour but de faire éclater les gousses, libérant ainsi les fruits mélangés au "poussier ", On enlevait ensuite les plants vidés de leur précieux contenu à la fourche ( on se servait d'une fourche en bois moins lourde qu'une fourche enfer, et surtout moins dangereuse) . 

 

Résumé : Les quelques récits de ce livre sont issus de moments privilégiés passés en compagnie de Poètes, de Bergers, et personnages divers hors du commun..Aujourd'hui un bon nombre de ces amis nous ont quittés, mais leur souvenir restera à jamais dans nos mémoires.

 

 

 

Les lentilles et leur coque- enveloppe ", le tout serait ramassé et porté au « ventoir *

Cette dernière opération avait pour but ’en faisant tomber les lentilles et leur coques devant les pales d un ventilateur, de séparer mécaniquement celles - ci plus lourdes, des coques qui seraient projetées à distance pour constituer le poussier.

Un y avait qu'une chose dont on ne pouvait pas se débarrasser, c’était des pierres, (qui étaient un constituant aussi lourd  voir même plus lourd que les graines de lentilles) et qui accompagnaient celles-ci dans leur chute .Un dernier tri avant consommation sera alors obligatoire , c'est la ménagère qui le fera ...

Les lentilles débarrassées des matières non consommables : coques, pailles, brins d’herbes diverses, allaient être « ensachées » pour constituer une réserve appréciée de nourriture.

Il faut dire qu'à l’époque, on consommait moins de viande qu'aujourd'hui, et que les protéines et oligo-éléments nécessaires, se trouvaient dans toute forme d'aliments qui se conservaient facilement : blé, orge , avoine, haricots, lentilles etc...

Ainsi qu'on a pu le remarquer tout au long de ces opérations, une main d’œuvre importante

était nécessaire , le travail était pénible, le ramassage surtout; qui s'effectuait en plein soleil.

Le "ventoir” faisait beaucoup de poussière, et le soir la journée achevée, on allait se coucher volontiers . Et je me demandais s'il était bien utile de faire tout çà, moi qui n'aimais pas les lentilles.

Maintenant les années ont passé, on a découvert que les lentilles étaient riches en oligo-éléments , certains minéraux indispensables à la vie, protéines végétales, oméga 3..., elles sont de tous les régimes et par cela même constituent un plat de luxe.

Et paradoxe de la vie qui passe, ou alors parce que je ne les ramasse plus, je me suis mis à aimer les lentilles.

 

Ps ; oubrage = travail, ouvrage

 

Maurice