Mon premier séjour à Marseille s’effectua pendant les vacances de Pâques, je devais avoir treize ans .
Lorsque j’arrivais à la gare Saint Charles je demandais à un passant où était la rue Vacon, près de la rue d’Aubagne, adresse où je devais me rendre et où habitaient mes cousins de Marseille. J’eus la chance de tomber sur un « Marseillais de souche » qui m’indiqua la route....
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Rue Vacon, rue d’ Aubagne
Mon premier séjour à Marseille s’effectua pendant les vacances de Pâques, je devais avoir treize ans .
Lorsque j’arrivais à la gare Saint Charles je demandais à un passant où était la rue Vacon, près de la rue d’Aubagne, adresse où je devais me rendre et où habitaient mes cousins de Marseille. J’eus la chance de tomber sur un « Marseillais de souche » qui m’indiqua la route. Fort loquace « il me fit la conversation » et m’accompagna une partie du trajet. Un bon quart d’heure pour relier la gare à la rue d’Aubagne, et je me retrouvais dans le quartier près de la rue Vacon, qui aboutissait à l’adresse que je cherchais. Tout y était nouveau pour moi. Une foule dense, hétéroclite, bruyante, colorée, m’impressionna. C'était si différent de mon village. Bien sûr l’envergure de la ville, mais aussi les gens, le mouvement, la foule, les cris des marchands ambulants, enfin le parler Marseillais .
« Dis Nine ton Jules est rentré de la pêche ? »
« Bien, tu sais que lorsqu’il rentre "il traîne tous les bars" de la place de Lenche .
- Qui veut des belles dorades fraîches du matin ?
-Regardez moi ces"favouilles’…
Sans parler des jurons et mots grossiers que je découvrais. Il suffisait de s’arrêter pour se faire interpeller comme un client potentiel.
Marseille porte d’orient
Bien sûr, tout cela avec l’accent du terroir qui donnait à la scène une envergure peu commune à la vie de la rue.
Ici on ne dit pas Monsieur mais ‘‘oh jeune ’‘.
On a des mots particuliers pour un homme, tels que : "gari " ou ’‘oh l’ami’‘ ou plus amicalement ’‘fiston ‘’, aux plus âgés ’‘papi’‘, et très amicalement ’‘oh con ’‘.
Madame : s’exprime par ‘‘Nine’‘ ‘damoiselle’‘ou ’‘nistone’‘,pour une fille jeune.
Contrairement à ce qu’on peut penser, les termes de ‘‘fada et couillon’‘, ne sont pas injurieux mais très amicaux. Ainsi lorsqu’un père dit à son fils quel grand couillon tu fais … c’est une façon déguisée de lui dire : « tu est bête mon fils mais je t’aime , » et ceci avec beaucoup de délicatesse et d’amour. Lorsque je débarquais chez les cousins, je fus accueilli avec joie, car ceux ci, habitués au trajet entre la gare et leur domicile, avaient estimé un temps de parcours beaucoup plus court que celui que j’avais mis.
- Tu nous en as fait faire du soucis ! On te croyait déjà perdu ! Et où te trouver? Dirent en cœur les cousines .
J’avais treize à quatorze ans et ma curiosité m’avait fait regarder les vitrines et échoppes des commerçants sans me soucier de l’heure, et sans doute aussi je n’avais pas pris le chemin le plus court. Enfin tous étaient satisfaits de me voir et rendu à bon port. Chacun m’interrogeait sur mon voyage, sur mes parents laissés dans les Alpes, le temps la haut , et patati et patata …
Pendant tout mon séjour, les cousins me firent visiter la ville. Le Pharo,la Vierge de la Garde, toutes les curiosités et les monuments furent passés en revue. Mon premier séjour marseillais touchait à sa fin, il s’était déroulé trop vite, et avant de partir je promis de revenir dans cette ville enchanteresse.
Le temps allait alors exaucer mes vœux. Quelques trois ans plus tard on quittait définitivement les Alpes pour venir vivre à Marseille. On devait quitter les Alpes au mois de septembre 52. En arrivant dans cette ville je fus surpris par la température estivale, principalement la nuit. Alors qu’à Veynes on dormait avec une couverture, les nuits à Marseille étaient à cette saison un enfer. Pas un souffle d’air, le soir on allait prendre le frais au bord de la mer, une tante habitant à la Pointe Rouge nous offrait l’hospitalité. Et pour quelques heures on pouvait enfin respirer. On s’habituait tant bien que mal à ces variations climatiques. Finalement la vie dans cette ville était assez agréable, et notre adaptation allait se faire sans trop de mal. Depuis que nous étions arrivés ici, tout paraissait plus facile. Les gens étaient aimables, avenants, prêts à rendre service, c’était le « Marseille d ‘avant », le Marseille d’après guerre, le Marseille où il faisait bon vivre. Je remarquais tout de suite que la population était un amalgame de races, de gens de couleur, de religions diverses, où chaque caste avait ses particularités, ses coutumes.
Les quartiers s’étaient établis en fonction de ces différences. Saint Henri , La Capelette, Menpenti étaient principalement habités par des Italiens de souche, qui avaient émigré de leur sol natal avant la guerre 39/44. Saint Tronc, les trois ponts, étaient principalement occupés par des Arméniens et des Juifs. On trouvait cependant dans le centre ville, Joliette et quartier du Panier beaucoup de Grecs, qui devaient être les descendants des premiers fondateurs de Massilia.Et tout ce monde parlait "le Marseillais", langue particulière qui diffère du Français par sa prononciation, ses axiomes et ses tournures de phrases propres aux habitudes locales .